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« L’homme qui lisait des livres » Rachid Benzine – Ed. Julliard, août 2025

Le salut par la lecture…

Un photographe de guerre en mission à Gaza, profite d’une énième pseudo-trêve pour sortir de l’hôtel réservé à la presse internationale et partir en quête d’une image forte afin d’illustrer le sujet du magazine qui l’emploie. Parmi quelques étals improbables de marchands de fruits, sous les façades éventrées d’un quartier martyrisé, il aperçoit un vieil homme plongé dans sa lecture, entouré d’une multitude de livres. Quand il s’apprête à prendre le cliché, l’homme le remarque, lui sourit et dans un français policé, presque distingué, s’adresse à lui : « Vous savez, ce n’est pas rien de prendre une photo, prenons plutôt le temps de nous rencontrer… ».

Et là commence l’histoire de Nabil et de sa famille qui traversent toute la seconde moitié du vingtième siècle, depuis la création de l’État d’Israël jusqu’à l’apocalypse à laquelle on assiste aujourd’hui dans un état de torpeur effarée, incrédules devant l’énormité de la barbarie. Pourtant il ne s’agit pas ici d’un récit engagé ou politique. Rachid Benzine, auteur franco-marocain, donne vie à ses personnages dans la perspective du destin de millions de Palestiniens dépossédés de leurs terres et de leurs espaces vitaux depuis 1948 au fil des guerres d’occupation, des multiples exodes, déplacements et autres spoliations et humiliations. Nabil, dans sa jeunesse, s’est nourri d’espoirs, a étudié, a aimé. Il n’a pas voulu des extrémismes, des armes et des vengeances. C’est ce qu’il a voulu raconter, avant de permettre au photographe français de l’immortaliser au milieu de ses livres, fragiles sémaphores dans un océan ravagé.

Dans ce monde où les bombes et les outrances réseautées des puissants semblent avoir le dernier mot, « l’homme qui lisait des livres » de Rachid Benzine appelle, avec la force d’une racine qui fend le béton, à une lueur d’espoir : « Les livres sont notre plus grande chance de survie, non pour fuir le réel, mais pour l’habiter pleinement. Comme si, au milieu du chaos, un homme qui lit était la plus radicale des révolutions ».