Un récit virtuose pour dépasser les traumatismes
À l’heure où nos esprits s’encombrent des nouvelles anxiogènes du monde, le dernier livre d’Hubert Haddad qui situe son action dans les prémisses, puis le tumulte de la seconde guerre mondiale, pourrait susciter une certaine réserve. Et ce serait une grande erreur ! Ce récit sublime de sensibilité, érudit mais jamais grandiloquant, traverse l’avènement du nazisme vécu par celles et ceux, en Allemagne, qui en ont été les spectateurs et victimes hallucinés. Comment s’empêcher de tirer un parallèle avec les « démocraties autocrates » contemporaines et autres émergences fascisantes qui éclosent à nos portes sans vraiment en comprendre la raison.
Le jeune Clemens est dépassé par l’intensité des émotions qu’il subit. Séparé de sa mère considérée comme folle, il est accueilli par un notable ami de la famille, lui-même rétif à l’idéologie nazie et de ce fait rapidement « éliminé ». Clemens échoue alors de pensions en institutions. C’est grâce au violon hérité de son grand-père et dont il joue en virtuose, qu’il parvient alors à esquiver toutes les tentatives de récupération et notamment, au moins durant ses jeunes années, à l’enrôlement dans les pathétiques jeunesses hitlériennes. Les années passent, le cours de la guerre s’accélère en défaveur de l’Allemagne et bientôt toutes les ressources sont mobilisées pour tenter d’éviter l’effondrement final. Clemens adolescent, rejoint alors son unité des « kamikazes de 16 ans » sur le mur de l’Atlantique.
Le récit pourrait conclure sur le final apocalyptique de la nuit du 5 au 6 juin 44 sur les plages normandes. Les dernières pages délivrent pourtant un final quasi cathartique. Le témoignage de celle qui initia le jeune Clemens à son instrument fétiche, qui porte un numéro tatoué sur l’avant-bras et qui dépose, chaque année, un bouquet de fleurs sauvages sur la tombe d’un certain Clemens Oberndorf quelque part du côté de la Pointe du Hoc en Normandie. Ce livre est un bijou de littérature, mais aussi un témoignage puissant de résistance face aux folies collectives, quelles qu’elles soient et d’où qu’elles proviennent.
